Les lofoten en hiver

Retour sur ma semaine passée sur les îles Lofoten en février 2015… Il y avait deux voyages dans mon voyage, les paysages irréels le jour, puis les songes éveillés de la nuit. C’est bien entendu pour certaines manifestations nocturnes bien spécifiques que j’avais choisi ma destination hivernale : les aurores boréaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaales !

Lesdites manifestations dépendant de l’activité du soleil et de la météo, c’est le genre de séjour dans lequel on se lance avec des rêves plein la tête et une envie irrépressible d’y être déjà, mais qui peut rapidement virer à la déprime totale en cas de mauvais temps bien installé ou de grosse flemme de notre étoile préférée.

J’ai essayé tout de même de ne pas trop m’enflammer en préparant mon séjour, ce n’est pas comme si j’avais toujours rêvé de voir une aurore boréaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaale ; j’avoue que cela m’a été très difficile et que c’est fébrile que j’ai entamé la semaine.

Le suspens est à son comble mais je ne vais pas le faire durer, vous vous doutez bien que je ne serais pas en train de rédiger le récit de ce voyage si j’étais sous cachetons antidépresseurs depuis que j’en suis revenue : oui j’ai vu des aurores, oui c’était beau et c’était même plus que ça, oui j’ai trépigné et j’ai crié et j’ai cru à un rêve et non je n’en ai pas vu assez, j’en re-veux, j’en re-veux, j’en re-veux !

N1 // MA TOUTE PREMIÈRE AURORE !

Quand il fait nuit à 16h et que vous êtes venu débusquer des aurores boréales, on a beau vous répéter qu’il est bien trop tôt pour les voir apparaître, vous êtes au taquet, les yeux rivés sur le ciel. Les fenêtres de ma chambre donnent au nord et à l’ouest, de mon bureau je suis donc à un excellent poste d’observation (ce qui ne m’empêche pas de faire les cent pas, d’aller d’une fenêtre à une autre, d’éteindre la lumière pour mieux voir dehors… bref, je ne tiens pas en place !). C’est qu’il a fait un temps sublime toute la journée et que maintenant, le ciel est étoilé, dégagé, prêt à s’embraser !

Il est encore très tôt dans la soirée quand je remarque un truc bizarre dans le ciel, une sorte de gros rouleau traversant, plus clair que le reste de la voûte étoilée. Je me retiens de rameter toute la smala parce que vu comme ça, ça pourrait n’être qu’un nuage, certes un peu bizarre mais bon ; autant ne pas passer pour une tarée dès la première journée (ils ont une semaine pour s’apercevoir que je gère difficilement mes émotions !)

Ça frappe à la porte de ma chambre ; c’est Rob, qui m’annonce qu’il y a une légère activité… C’était bien ça, je l’ai vu, oui, c’est génial, c’est une aurore, merci, merci, je me prépare, je sors, mince qu’est ce que je suis sensée faire, ah oui, dehors il fait froid et je dois avoir un objet qui sert à faire des images !!!

Bon, la dame n’est pas très nerveuse ; pendant quelques minutes je continue à ne pas arriver à y voir de couleur. Il y a un truc lumineux qui se meut dans le ciel, mais sinon… Et puis ça gagne en intensité, en couleur et en envergure. Il s’agit tout de même d’une petite aurore, qui part ailleurs arrive très tôt dans la soirée (le ciel n’est pas encore au plus sombre), mais croyez-moi l’émotion est là ! C’est ma première aurore !!! Elle est là, sous mes yeux, je la vois, mieux, je la vis !! Et même de faible intensité, cette aurore reste la traduction d’un combat qui se joue au-dessus de nos têtes et dont nous n’avons la plupart du temps même pas conscience, qui nous échappe et nous dépasse totalement… bon je m’arrête avant de me mettre à vous parler d’infini !

LES LUMIÈRES DANSANTES

21h30, ça re-frappe à ma porte, il y a un arc au-dessus de la maison. C’est reparti ! Cette aurore là est plus rapide, elle danse dans le ciel, c’est impressionnant ! Je ne peux pas m’empêcher un petit cri doublé de petits sauts de joie ! Les lueurs vertes et roses émanent de l’ouest ; elles forment un arc qui rapidement se ramifie, se densifie et file vers l’est en un rideau ondulant dans lequel je peux observer de multiples rayons verticaux, comme autant de témoins de la présence du champ magnétique de notre planète.

Nous décidons de partir vers la plage, là où la pollution lumineuse est moindre. Le trajet nous laisse le temps de profiter du spectacle, tout simplement. Malheureusement à notre arrivée les lumières commencent doucement à s’évaporer et, quelques minutes après notre arrivée, l’aurore a disparu.

N2 // « TRICKY LADY »

Il n’est pas 18h qu’une aurore naît déjà en cette deuxième soirée. Je sors sans mon appareil, il n’est de toute manière pas prêt. Je veux juste en profiter, regarder, photographier avec mes yeux. L’arc est-ouest prend rapidement des teintes plus soutenues et soudain un nuage vert apparaît et croît, irradiant le ciel au niveau du Matmora. Threes me propose d’aller à la plage d’où la vue promet d’être magnifique, si la belle ne s’évanouit pas entre temps !

C’est le branle-bas de combat : habillage, trépiétage et hop, on part en direction de la mer sans quitter le ciel des yeux, autant en profiter au maximum. Malheureusement celle que Threes nomme « tricky lady » nous joue encore un tour et se fait plus discrète. Par ailleurs, encore une fois, il est très tôt et le ciel n’est pas encore au plus sombre, l’observation en est donc d’autant plus compliquée. Néanmoins, nous restons quelques temps la tête dans les étoiles à regarder les discrets mais émouvants filaments verts et roses s’animer dans le ciel.

Nous aurons de nouveau droit à une faible apparition vers 21h, fugace ; mais les nuages s’amoncellent également…

N3 // POUSSEZ-VOUS LES NUAGES !

Si vous êtes passé par la case « jours » avant d’arriver sur les nuits, vous l’aurez compris, le temps ne va pas en s’améliorant… Mais je suis du genre optimiste et c’est l’appareil photo vissé sur son trépied (oui je ne me ferai plus avoir comme le deuxième soir !) que je débarque dans la grande salle où Rob et Threes accueillent, en plus de Sophie, Lenard (mes nouveaux voisins de chambre) et moi, quatre personnes pour une soirée « c’est quoi une aurore et comment on immortalise un tel moment ? »

C’est super : j’avais pourtant bossé le truc mais les explications de Rob sont fines, pointues mais accessibles. On sent l’analyse scientifique du phénomène mais aussi une réelle connaissance empirique de la chose. Quant aux photos de Threes, elles sont justes et vraies. Elle aime les aurores avant d’aimer les images spectaculaires.

Sur le moniteur qui se trouve dans la pièce (on garde quand même un œil sur ce qui se passe dehors), la ligne verte chute et remonte brutalement : il se passe quelque chose. Nous sortons tous en courant, mais tout ce que nous voyons, c’est des nuages et, derrière les nuages, nous percevons des zones lumineuses mouvantes ! Il y doit y avoir une belle aurore pour que sa lumière perce le rideau nuageux. Néanmoins, nous n’en verrons pas plus. Comme c’est frustrant !!!

La présentation terminée nous décidons d’aller « zyeuter » le ciel qui commence à se dégager (un peu). Faute d’aurore, nous aurons peut-être un ciel étoilé à regarder. Nous sommes dehors depuis quelques minutes à peine que des traits verticaux verts apparaissent au nord, puis disparaissent ; et c’est au tour d’une tâche verte de colorer le ciel à l’ouest, non à l’est… et le rideau se forme !!!! On est hyper chanceux !!! Il n’est pas très grand, mais on y décèle bien le vert et le rose à sa base. Il se meut calmement, nous laissant tout le loisir d’observer les rayons verticaux qui le constitue.

Avant de disparaître totalement, l’aurore apparaîtra plus à l’ouest, très furtivement. J’adore la façon dont elle nous a semblé émaner d’un nuage (ce qui est totalement impossible je sais, c’est la magie de l’optique !). C’est aussi la première fois que j’ai pu observer la présence du rouge au-dessus du vert (peu visible sur la photo, prise un peu à l’arrache tant ce changement de zone subite nous a un peu pris au dépourvu !). Reviens !!!!!

Moi j’y vois un oiseau (les ailes sont les nuages et le cou et la tête l’aurore) et vous ? D’ailleurs dans le folklore Danois, les aurores boréales seraient dues à des cygnes qui auraient voyagé trop au nord et seraient pris dans la glace, le mouvement des aurores serait dû au battement de leurs ailes.

N4 // AH BON, C’EST PAS TOUS LES SOIRS LES LUMIÈRES VERTES ?

Cette quatrième soirée est à l’image de la journée : densément nuageuse. Les aurores se formant bien plus haut dans l’atmosphère que nos différents phénomènes météorologiques, ça n’arrange pas mes affaires ça ! Mais bon, nous sommes en bord de mer, le temps peu changer soudainement (non ?) !

En attendant je lis tout ce que je trouve sur les aurores boréales dans la bibliothèque de Rob et Threes. Voici quelques références intéressantes :

  • Pål BREKKE & Fredrik BROMS, Northern lights. A guide, 2013
  • Alv EGELAND, Facts about auroras. A science book for children, 2003
  • Sigurður H. STEFNISSON, Jóhann ÍSBERG, Aurora. Lights of the Northern Sky, 2002
  • Harald FALCK-ITTER, Aurora. The Northern Lights in Mythology, History and Science, 1999

Malheureusement ce soir le ciel ne se dégagera pas et c’est sans aurore que nous partirons nous coucher. Ce qui me rassure, le lendemain matin, c’est que le moniteur n’aura décelé aucune activité de la nuit !

N5 // JE LE SAVAIS !

C’est la tempête ! Un vent infernal souffle depuis ce matin et ne semble pas vouloir se calmer. Cela ne serait pas stressant s’il se contentait de souffler, mais non, il nous ramène aussi tout un tas de nuages de neige bien chargés venant du nord. Par ailleurs, nous n’avons plus d’électricité depuis ce midi et, comment dire, il fait froid !

Avec Sophie et Lenard nous nous sommes réfugiés dans la cuisine, pièce la plus chaude l’appartement que nous éclairons à la bougie. Le problème, c’est que la seule fenêtre de la pièce donne au nord et a été bouchée par Rob. Quel est le problème me direz-vous, vu le temps qu’il fait ? Le ciel est chargé, que voir dans ces conditions ? Et bien le fait est que, et je ne saurais l’expliquer, je sais qu’il nous faut surveiller le ciel, je sais que nous verrons une aurore ce soir… (non non, je n’ai pas viré mystique !). Cette journée est trop invraisemblable pour ne pas se terminer ainsi.

Dans les pénates de Rob et Threes il ne fait pas plus chaud, sauf dans le salon, grâce à un petit poêle à bois qui leur permet de faire chauffer une bonne soupe. Hum, c’est bon la soupe et c’est CHAUD !!! Je crois que je n’ai jamais autant apprécié de tenir un bol brûlant entre mes mains !

La tempête ne s’est toujours pas calmée lorsque nous retournons dans nos pénates. Nous y retrouvons la cuisine. Je fais des allers-retours, à la frontale, dans ma chambre pour jeter un œil dehors. À la deuxième tentative je vois un truc, j’appelle mes comparses… Ni une, ni deux, nous voilà dehors. Nous sortons au bon moment : le ciel s’est un peu (suffisamment) dégagé, mais en plus le spectacle commence :

Ce qui est bien, c’est qu’avec la coupure d’électricité la pollution lumineuse est bien moindre. Par contre le noir plus prononcé me contraint à des temps de pause plus longues et là, le vent ne nous aide pas. C’est arc-boutée sur l’appareil que je tire quelques clichés de l’hallucinante aurore qui se forme sous mes yeux. Elle est intense, rose, verte, rouge (bizarrement le rouge ressort mal sur les photos, dommage !), elle forme des volutes vers le nord et, soudain, elle est au-dessus de nous ! Juste au dessus !! Elle est partout ! Je hurle dans la tempête, je trépigne, ma joie éclate d’autant plus fort que les événements de la journée nous ont quand même maintenus dans des conditions de tension assez forte.

A cause du vent j’ai les doigts en feu et la tête qui tourne mais je m’en moque totalement… bon quand même je décide de ranger l’appareil photo pour mettre des gros gants parce que là, j’ai mal…

L’aurore, comme je l’ai déjà vu faire, repart vers le nord-est ; elle se « colle » au Matmora et, une fois calée, perd en forme pour devenir plus diffuse. De là elle irradie l’horizon, du vert bien sûr mais aussi beaucoup de rouge, bien plus que je n’en avais vu auparavant. Je reste là, à regarder, mieux, à voir. J’en profite. Je le savais.

N6 // D’AUTRES LUMIÈRES, CELLES DE LA VILLE…

Il neige. Il neige depuis ce matin, il a neigé toute la journée. Je suis à l’hôtel dans ma chambre bien confortable, une immense baie m’offre une superbe vue sur le nord magnétique (oui, j’avoue, j’ai vérifié…). Le ciel est rose et je me rends compte à quel point l’effet des lampadaires est radical, presque brutal (je me surprends même à me demander à quel moment ils vont finir par éteindre la lumière). Il n’y aura pas d’aurore ce soir, rien que les lumières de la ville.

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